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11 janv. 2024

1 Corinthiens 1.1-8

Les mythologies me fascinent. Selon une légende grecque, dans les temps lointains, un certain roi de la ville de Corinthe qui avait été insolent à l’égard des dieux, fut condamné pour l’éternité à pousser un énorme rocher jusqu’en haut d’une montagne. Mais quand il atteignait le sommet, le rocher déboulait jusqu’en bas et il était obligé de recommencer encore et toujours le même travail de forçat. Le philosophe existentialiste Albert Camus a vu dans cette tradition une illustration de la condition de l’homme condamné à l’absurdité d’une vie sans but. Si Camus avait lu les deux Épîtres que l’apôtre Paul envoya à l’Église de Corinthe, il aurait eu une image différente de la vie, car leur message apporte un objectif et une espérance à tous les êtres humains et donc en particulier aux personnes très mal renseignées sur le sens de la vie.

Les chrétiens de Corinthe, tout comme ce roi légendaire, étaient des gens orgueilleux. Cependant, au lieu d’avoir à rendre des comptes à un Zeus capricieux, ces croyants du premier siècle sont entrés en relation avec un Dieu de grâce et d’amour, ce que va leur rappeler l’apôtre Paul dans les deux lettres qu’il leur adresse et qui nous sont parvenues.

Située sur un isthme, à environ 65 km à l’ouest d’Athènes, la ville de Corinthe était réputée pour son matérialisme grossier, et pour être une foire aux plaisirs, un peu comme Las Vegas dans le Nevada aux États-Unis.

La richesse et le vice qui règnent dans Corinthe sont dus en grande partie à son temple dédié à la déesse Aphrodite, Vénus en latin, déesse de l’amour, et de ses milliers de prostituées, qui bien sûr, attirent un monde fou. En effet, le temple, qui se dresse à 625 mètres sur l’acropole de Corinthe, soit 500 mètres au-dessus de la ville, fournit une attrayante excuse religieuse pour une ville rendue célèbre par ses vices. Dans son célèbre ouvrage « La République », Platon utilise l’expression « une fille de Corinthe » pour toute prostituée. Un autre auteur inventa le verbe « corinthianiser » qui voulait dire « mener une vie de débauche », c’est dire la réputation de cette ville.

De nos jours, il existe un canal qui traverse l’isthme, et Corinthe n’est plus guère qu’un village de pêcheurs. En 1928, un tremblement de terre a révélé les ruines jusqu’alors enfouies de la ville antique, et elle fait désormais partie des tournées touristiques de ceux qui sont en mal de vieilles pierres. Cependant au premier siècle de notre ère, Corinthe est un grand centre commercial avec 3 ports, dont deux importants, l’un donnant accès à la mer Ionienne et l’autre à la mer Égée. La ville fut complètement rasée par les Romains en l’an 146 av. J-C. Tous ses habitants furent massacrés ou vendus comme esclaves, tous ses trésors furent emportés à Rome et elle fut transformée en ruines désertiques. Mais un siècle plus tard, la ville est reconstruite par Jules César qui lui redonne sa prééminence puisqu’elle devient la capitale de la province de l’Achaïe. Et bien sûr, les vices d’antan refont leur apparition. C’est dans ce contexte de corruption extrême que l’apôtre Paul débarque à Corinthe en l’an 50 de notre ère pour y annoncer la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ lors de son second voyage missionnaire.  Il s’y rend suite à un commandement du Seigneur (Actes 18:9,10), mais il est probable que même s’il n’y avait pas eu cet ordre direct, Paul y serait allé à cause de la position stratégique de la ville pour la Grèce. Dès son arrivée, il se lie d’amitié avec Aquilas et Priscille. Ce charmant couple, comme d’ailleurs tous les autres Juifs habitant la capitale, ont été chassés de Rome par l’empereur Claude. L’apôtre travailla tout d’abord avec eux, car comme lui, ils fabriquaient des tentes pour subvenir à leurs besoins. Plus tard et grâce à des dons, Paul peut se consacrer entièrement à l’annonce de l’Évangile et y fonde l’Église. L’apôtre demeure 18 mois dans Corinthe, une ville qui compte à l’époque entre 400 et 800 000 habitants.

Paul écrit la première Épître aux Corinthiens au printemps de l’an 54 de notre ère, 3 ou 4 ans après la fondation de l’Église. Il se trouve alors à 480 km en face de Corinthe de l’autre côté de la mer Égée, à Éphèse, une ville importante de l’Empire romain sur la côte occidentale de la Turquie, mais qui depuis a été rayée de la carte. Cette lettre est probablement le document le plus ancien du Nouveau Testament, ayant été écrit environ 25 ans après la crucifixion de Jésus-Christ. Le but des deux épîtres de Paul aux Corinthiens est de corriger toutes sortes de graves problèmes qui minent l’église. En réalité, cette première Épître est la deuxième que Paul a écrite, mais nous n’avons aucune trace de la première qui d’ailleurs fut mal comprise des croyants corinthiens.

Comme cette première épître, celle que nous possédons, n’a pas davantage aidé à la résolution des problèmes de l’Église que sa première, l’apôtre Paul décide de se rendre personnellement sur place. Suite à cette visite, il retourne à Éphèse qu’il doit quitter en toute hâte à cause d’une émeute dirigée contre lui. Remontant vers le nord, il prend alors le bateau pour la Grèce où il rencontre l’un de ses disciples qui lui donne des nouvelles toutes fraîches de l’Église de Corinthe. Suite à ce rapport, il leur écrit une troisième lettre que nous possédons et qui s’appelle « la seconde Épître aux Corinthiens ». Dans les deux lettres qui nous sont parvenues, Paul ne mâche pas ses mots ; il est même un peu brusque, mais toujours avec l’amour tendre qu’un père porte à ses enfants. Il faut dire qu’il aborde des problèmes qui n’en finissent plus, certains d’ordre doctrinal et d’autres qui concernent la vie chrétienne pratique. Le but de l’apôtre est double. D’une part, il corrige les erreurs qui lui ont été rapportées par des croyants de passage dans la ville de Corinthe, et d’autre part, il répond à des questions que les chrétiens de cette ville lui ont personnellement posées dans une lettre qu’ils lui ont fait parvenir. On est d’ailleurs étonné de voir une Église s’accommoder plutôt bien de problèmes qui sont pourtant des entorses sérieuses à la foi chrétienne. Il faut dire que les chrétiens de Corinthe ont vraiment beaucoup de difficultés à rompre avec leur ancien mode de vie. Ils ont une vue erronée concernant le pouvoir dans l’Église, les dons spirituels, le mariage et particulièrement l’argent. Ils remettent aussi en question l’autorité de l’apôtre, l’accusant d’être un faible. Dans un monde où la rhétorique joue un rôle considérable, les Corinthiens critiquent le manque d’éloquence de Paul et contestent son enseignement. L’apôtre s’évertue donc à corriger plusieurs fautes graves, celles que j’ai citées, mais aussi l’orgueil des riches qui méprisent les démunis et l’absence de solidarité entre classes sociales.

Il y a également dans cette Église beaucoup de dissensions dont certaines tournent au procès devant des magistrats païens. Ce n’est pas tout, on y trouve également l’inceste et la débauche de la part des uns et l’ascétisme de la part d’autres, tandis qu’une allure unisexe est prônée par certains membres de l’Église. Il faut encore ajouter à ce lot de corruptions, des beuveries, l’exubérance lors des cultes, et enfin sur le plan doctrinal, une forte réticence à croire que les croyants ressusciteraient munis d’un corps glorifié. C’est d’ailleurs sur ce dernier point que Paul termine sa première Épître, nous donnant, d’une part, un enseignement relativement complet sur le sujet de la résurrection, et d’autre part, la clé de toute cette Épître qui est l’importance du corps physique. Il faut en effet savoir que les Corinthiens ne voient pas de lien entre le corps et le plan de la rédemption divine. Cette incompréhension, cette ignorance n’a pas d’excuse mais s’explique assez facilement quand on comprend l’influence qu’exerce leur culture et surtout les philosophies grecques qui valorisent l’âme et l’esprit au détriment de la matière. Il s’en suit que les Corinthiens n’envisagent pas du tout la possibilité de revêtir un corps de résurrection, mais bien plutôt de se dévêtir de celui qu’ils possèdent afin de devenir des êtres décharnés totalement spirituels. Selon une telle perspective, le corps est neutre, inutile, et ce qu’on en fait n’a aucune importance car c’est sans pertinence éthique. Cette croyance explique pourquoi certains chrétiens corinthiens se sentent tout à fait libres de fréquenter des prostituées tandis que d’autres prennent la direction opposée, prônant un ascétisme pur et dur qui préconise la maîtrise du corps avec une abstinence sexuelle totale. Cela dit, au-dessus de tous les problèmes graves et les fautes grossières que l’apôtre tente de corriger dans les deux lettres qu’il adresse aux Corinthiens, le fait qu’une Église existe dans cette ville est en soi un miracle et un témoignage de la puissance de Dieu et de l’Évangile.

L’Église de Corinthe paraît avoir été assez considérable (Actes 18:8,10), et n’était pas concernée par les persécutions (1Corinthiens 4:10). En fait, quand les Juifs se sont dressés contre Paul, le proconsul romain Gallion s’est opposé à eux, et ensuite la population s’est retournée contre le Juifs ce qui fait que l’apôtre a pu évangéliser les païens en toute tranquillité. L’église de Corinthe comprenait bien quelques Juifs parmi ses membres (Actes 18:7,8), ainsi que des convertis de marque comme Crispus, le chef de la synagogue (Actes 18:8) avec sa famille, et Sosthène (l Corinthiens. 1.1) probablement celui qui succéda plus tard à Crispus (Actes 18:17). Cependant, l’église avait surtout un caractère non-juif et païen et comptait beaucoup de personnes qui n’étaient ni bon chic ni bon genre, et qui sortaient des bas-fonds mêmes de la société (1Corinthiens 6:9-11).

Monument admirable de fermeté apostolique, de sagesse pastorale et de charité chrétienne, l’authenticité des épîtres de Paul aux Corinthien n’a jamais été sérieusement mise en question. En l’an 95 après Jésus-Christ, dans sa propre lettre à l’église de Corinthe, Clément de Rome désigne la première épître de Paul aux Corinthiens comme « l’épître du bienheureux apôtre Paul » (1 Clément 47.1). C’était la première fois qu’un auteur du Nouveau Testament est cité par un écrivain hors de la Bible. 15 ans plus tard, Ignace connaissait par cœur une grande partie de 1 Corinthiens, et Polycarpe martyr vers 156 après Jésus-Christ, donne les premières citations de 2 Corinthiens dans sa lettre aux Philippiens.

L’enseignement des épîtres aux Corinthiens nous concernent car aujourd’hui comme alors, la sagesse humaine est préférée à la vérité éternelle de Dieu ce qui se traduit par le relâchement des principes moraux, la sensualité, une fausse spiritualité et un subjectivisme sans frein.

Commentaire biblique radiophonique écrit par le pasteur et docteur en théologie : Vernon McGee (1904-1988) et traduit par le pasteur Jacques Iosti.

sept. 22 2023

Émission du jour | 2 Rois 1.1 – 2.24

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