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2 Pierre 1.1-4
Dans l’Antiquité, la valeur d’un esclave pour son maître est celle d’un outil ; il peut faire ce qu’il veut avec ce qui lui appartient ce qui inclut les animaux et les êtres humains. Il a sur eux le pouvoir de vie et de mort. La loi est telle que l’ordre du maître est pour l’esclave la seule loi qui existe. Un esclave n’a absolument pas de temps à lui, jamais de congé, aucun instant de repos, pas d’horaire de travail établi à l’avance et aucun loisir. Tout son être, son énergie et son temps appartiennent à son maître. Fort de cet arrière-plan social et tout comme l’apôtre Paul dans ses épîtres, Pierre se présente comme « l’esclave de Jésus-Christ » dans l’introduction de sa seconde lettre que je commence de lire.
Siméon Pierre, esclave et apôtre de Jésus-Christ, salue ceux qui par la justice qui vient de Jésus-Christ, notre Dieu et notre Sauveur, ont reçu en partage une foi du même prix que la nôtre (2Pierre 1.1 ; Autre).
Selon les coutumes de son époque, l’apôtre démarre son épître par une salutation courante et banale dans laquelle il s’identifie comme étant son auteur.
Comme nom pour Pierre, « Siméon » est un archaïsme hébraïque pour le moins insolite qui n’apparaît qu’ici et une autre fois dans le livre des Actes (Actes 15.14). Siméon désigne donc l’apôtre à qui Jésus a donné le nom de Pierre (Céphas en araméen). Dans l’Ancien Testament, Siméon est un fils de Jacob et donc l’ancêtre fondateur de l’une des douze tribus d’Israël ; c’est un nom ordinaire parmi les Juifs. Pour ce qui est du nom « Pierre », il provient d’un mot grec qui signifie « caillou ». L’apôtre utilise ses deux noms afin que les destinataires de sa lettre sachent exactement qui leur écrit.
Soit dit en passant que l’utilisation par Pierre de son nom hébreu Siméon au lieu du grec courant Simon, est une preuve supplémentaire de l’authenticité de cette épître, car un imposteur aurait choisi la discrétion et donc l’appellation la plus répandue.
Contrairement aux faux docteurs qui sont des faux frères et qui cherchent à élever leur propre personne, Pierre se présente comme un serviteur d’autrui. En réalité et comme je l’ai dit, ici c’est le mot « esclave » (doulos) qu’il emploie, le rajoutant à son titre de « apôtre de Jésus Christ ». L’homme fougueux, toujours prêt à prendre le devant de la scène, que les évangiles nous présentent en la personne de Simon Pierre, est devenu un homme humble, effacé et doux, qui adopte volontiers la position basse et soumise du devoir et de l’obéissance.
Moïse, Josué, le roi David, tous les prophètes, Paul, Jacques, et Jude se présentent tous comme serviteurs de Dieu dans le sens d’esclave. Au premier siècle, se désigner ainsi n’est pas une démarche insignifiante, mais un abaissement volontaire et servile dans une culture où, comme je l’ai dit, on considère les esclaves comme des outils ou des animaux dotés de la parole, rien de plus. Toutefois, et bien que de se déclarer « esclave » est dégradant au niveau social, c’est une pratique honorable parmi les croyants de l’Église primitive.
Celui qui se déclare « esclave de Jésus-Christ » reconnaît en lui son maître, c’est-à-dire que lui-même est sa possession de façon irrévocable et donc il est à sa disposition à tout instant.
Selon l’enseignement des Écritures, le croyant a été racheté du pouvoir de Satan pour appartenir à un nouveau maître, Jésus-Christ. Il est sa propriété ; il ne s’appartient plus à lui-même et n’a plus aucun droit, car il les a tous cédés à Dieu à qui il doit une obéissance inconditionnelle. Le commandement divin est désormais sa seule loi.
Bien que Pierre se considère humblement comme un esclave, il se présente également avec noblesse comme « apôtre de Jésus-Christ », c’est-à-dire qu’il est divinement mandaté par le Seigneur ressuscité ce qui lui donne l’autorité nécessaire de proclamer sa Parole. Cette introduction que fait Pierre de lui-même est un mélange d’humilité, de dignité et d’autorité.
Pierre écrit aux mêmes croyants que ceux de sa première lettre et qui sont ceux qui ont « reçu […] une foi du même prix que la nôtre ».
Le verbe « reçu » (laxousin) est tout à fait inattendu parce qu’il veut dire « tirer au sort ». Luc utilise ce verbe quand, parlant du prêtre Zacharie, il écrit que selon la coutume, il a « été désigné par le sort pour entrer dans le sanctuaire du Seigneur et y offrir l’encens » (Luc 1.9). L’apôtre Jean aussi emploie ce mot quand il rapporte qu’après avoir crucifié Jésus, les soldats se sont partagé ses vêtements et concernant sa tunique, ils ont dit :
Au lieu de la déchirer, tirons au sort pour savoir qui l’aura (Jean 19.24).
Quand Pierre parle de ceux qui ont « reçu […] une foi du même prix que la nôtre », il veut dire qu’ils ont été choisis par le Dieu souverain pour croire en Jésus-Christ ; c’est comme s’ils avaient été tirés au sort. En d’autres mots, la foi, la faculté de faire confiance à Jésus, ne peut pas s’obtenir par des moyens humains, mais sont un don de la grâce divine qui décide qui croira. Ça fait réfléchir surtout que cette doctrine de la souveraineté absolue de Dieu ne nie en rien la responsabilité de l’homme.
La foi que les lecteurs de Pierre ont reçue est « du même prix » (isotimon) que celle des apôtres. Le mot ainsi traduit n’est utilisé qu’ici dans le Nouveau Testament. Il désigne les étrangers à qui l’administration romaine a accordé les mêmes droits que les citoyens de souche. En d’autres mots, Pierre dit ici que la foi des apôtres est la même que celle du simple croyant. Ce détail est important parce que c’est déjà un coup de patte dirigé contre les faux frères imposteurs qui commencent à s’introduire dans les églises et qui enseignent qu’il existe une connaissance supérieure et secrète qui n’est offerte qu’à certains privilégiés.
La foi que reçoit le croyant est accordée sur la base de « la justice (ou droiture) de Jésus-Christ, notre Dieu et notre Sauveur » (comparez Actes 5.31). En grec, la construction grammaticale de cette phrase indique clairement que « Dieu » et « Sauveur » sont la même personne (un seul article pour les deux substantifs), ce qui n’est guère possible de rendre en français. Dans l’Ancien Testament, « Sauveur » est un titre pour Dieu le Père, mais les auteurs du Nouveau Testament l’appliquent 16 fois à Jésus, dont Pierre 5 fois dans sa seconde épître, ce qui affirme sans équivoque possible la divinité du Christ. Il s’ensuit que ce premier verset de 2Pierre est à ranger parmi les grands passages du Nouveau Testament qui enseignent que Jésus est égal à Dieu le Père car de même nature que lui (comparez Matthieu 16.16 ; Jean 1.1 ; 20.28 ; Tite 2.13).
Si la foi est un don de Dieu, les Écritures enseignent également que l’homme est responsable de l’accepter (2Corinthiens 3.15-16 ; Jean 3.16-18), ce qui signifie aussi qu’il a la possibilité de la refuser.
Par la foi, le croyant est déclaré juste devant Dieu ce qui veut dire, d’une part, qu’il est un criminel qui a été gracié, mais aussi et surtout, qu’il possède le même statut que Jésus, c’est à dire la position de juste. Mais cette position lui est conférée ; elle n’est pas due à de quelconques mérites mais à ce que le croyant a juridiquement été placé en Christ, c’est à dire uni avec lui.
Commentaire biblique radiophonique écrit par le pasteur et docteur en théologie : Vernon McGee (1904-1988) et traduit par le pasteur Jacques Iosti.