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14 févr. 2024

Esdras 1.1-2

Selon la petite histoire et si je ne me trompe pas, le roi Frédéric de Prusse aurait demandé à son chambellan de lui prouver l’existence de Dieu en un seul mot. Ce dernier ne s’est pas laissé démonter le moins du monde et aurait répondu : « Les Juifs ». Surprenant, n’est-ce pas ? En effet, l’histoire de ce peuple est tout à fait extraordinaire, et c’est beaucoup grâce aux écrits d’un certain Esdras que nous savons comment les Israélites sont devenus ce qu’ils sont encore aujourd’hui. C’est le prêtre Esdras qui aurait rédigé deux livres de l’Ancien Testament qui s’appellent respectivement Esdras et Néhémie, et qui constituent les deux derniers ouvrages historiques de l’Ancien Testament. A l’origine, ces deux livres n’en constituent qu’un seul et ils sont réunis au livre des Chroniques pour former une œuvre historique composite, qui recouvre la période allant d’Adam à Néhémie. D’ailleurs le style et les préoccupations des Chroniques et d’Esdras se ressemblent ce qui pourrait indiquer un auteur commun.

Ce sont les traducteurs grecs de la version des Septante qui ont partagé le rouleau Esdras-Néhémie en deux sections, comme ils l’ont fait également pour les livres de Samuel, des Rois et des Chroniques. Cette division a passé dans les autres traductions, y compris au XVIème siècle dans les éditions du texte hébreu de l’Ancien Testament.

Les deux livres Esdras-Néhémie couvrent une période qui s’étend du retour des Israélites de l’exil babylonien en 538 jusque vers 432 av. J-C, soit 106 ans. C’est la tradition juive qui attribue ces deux ouvrages qui font partie du canon de l’Ancien Testament au seul auteur Esdras, mais le texte lui-même ne donne aucune indication à ce sujet. De plus, dans ce rouleau de deux livres et pour cette période de 106 ans, ce n’est pas une histoire chronologique suivie qui nous est présentée, comme c’est à peu près le cas pour les autres livres historiques des siècles antérieurs.

Esdras se borne à rapporter en détail un certain nombre d’événements auxquels il attache une importance particulière et qui marquent les phases principales de la restauration du culte à Jérusalem. Entre ces faits marquants, l’auteur laisse subsister des lacunes considérables en passant sous silence des événements pourtant importants.

Ces deux ouvrages se concentrent sur 4 moments forts et particuliers du peuple choisi. Tout d’abord, l’arrivée de la caravane d’un certain Zorobabel, suivie, 15 ans plus tard, de la reconstruction du Temple. Mais aucune information ne nous est donnée sur ce qui se passe entre-temps. Suivent alors 57 années durant lesquelles a lieu l’histoire de la reine Esther. Puis vient le second événement important relaté par Esdras qui est l’arrivée de sa caravane et les mesures qu’il prend contre les mariages mixtes, entre Israélites et païens locaux. Suit une nouvelle lacune de 12 ans, puis a lieu le troisième fait marquant avec l’arrivée de la caravane de Néhémie et la reconstruction des murailles de Jérusalem. Suit à nouveau un silence de 12 ans et enfin le 4e événement important est relaté. Il s’agit du second séjour de Néhémie en Palestine. Quand on additionne toutes les dates, sur les 106 ans qui se sont écoulés entre le premier fait marquant et le 4e raconté dans ces livres, il y a 95 années concernant lesquelles nous ne savons absolument rien.

Cependant, et comme je l’ai déjà dit, les récits très parcimonieux que nous a laissés Esdras sont d’une importance capitale parce que ce sont les seuls documents que l’humanité possède sur l’histoire de la Palestine pendant quatre siècles, entre, d’une part, la chute du royaume de Juda devant les armées babyloniennes, et d’autre part, l’époque troublée des guerres que les prêtres de la famille des Maccabées menèrent contre le tyran grec Antiochus Épiphane. C’est au cours de cette longue période de quatre siècles que s’est formée cette société juive, unique dans l’histoire de l’humanité, du sein de laquelle un jour de Pentecôte, est née l’Église chrétienne.

Pendant leur séjour d’environ 70 ans à Babylone, les Israélites subissent une transformation si radicale qu’il est difficile de reconnaître dans les Juifs de retour d’exil, les descendants des sujets des rois de Juda qui furent emmenés en captivité. En effet, avant l’exil, ce peuple vit continuellement à l’intérieur des étroites limites du territoire que l’Éternel a donné à ses ancêtres. Mais après leur retour au pays, ils suivent les traces des conquérants perses, grecs ou romains, et se répandent partout pour fonder des colonies dans les principales villes du monde connu. Avant l’exil, les Israélites sont exclusivement voués à l’agriculture ; après l’exil, ils s’intéressent surtout au commerce. Alors qu’auparavant, ils étaient constamment entraînés vers l’idolâtrie des peuples environnants, quand ils reviennent de l’exil, ils sont complètement guéris de cette maladie spirituelle qui leur valut le châtiment de Dieu.

Tandis que leurs ancêtres ont rejeté l’appel à revenir à Dieu que leur adresse les prophètes, la nouvelle génération qui revient d’exil accueille avec foi et révérence les enseignements d’Esdras, de Néhémie et des prophètes Aggée, Zacharie et Malachie.

Bien que les Juifs soient autorisés par l’empereur Cyrus à retourner dans leur patrie, ils ne retrouvent pas leur indépendance pour autant, parce que la Judée reste un des districts de la province perse située au-delà de l’Euphrate. Qu’à cela ne tienne, malgré des conditions adverses et des ennemis farouches, les Israélites réussissent à maintenir leur identité nationale avec une indomptable énergie. Ils ne se fondent pas dans les nations voisines dont ils partagent pourtant le sort et dont ils parlent la langue araméenne.

Leurs frontières politiques ayant été supprimées par les Babyloniens puis les Perses, les Israélites les remplacent par leur religion. Ils se démarquent des autres peuples grâce à leur culte à l’Éternel, le Dieu unique. Environ 400 ans avant la venue du Christ, après que Zacharie, le dernier des prophètes de l’Ancien Testament ait parlé, les Juifs s’attachent avec un très grand soin à l’étude de la Parole écrite que constitue l’Ancien Testament, et tout spécialement la Loi de Moïse. Esdras ouvre une ère nouvelle dans laquelle le Pentateuque, les cinq livres de Moïse, ne sont pas un simple recueil de lois, mais un manuel d’instruction qui traite tous les détails de la vie. Esdras devint en quelque sorte le « père du Judaïsme », et de cette manière de vivre dont le point central est une obéissance indéfectible à la Loi, qui, non seulement façonne la vie juive, mais qui permet également à Israël de survivre aux graves crises historiques des siècles suivants.

Cette consécration à la Loi et au culte de l’Éternel explique pourquoi la reconstruction du Temple est primordiale car une fois reconstruit il devient leur point de ralliement, le centre et avec la Loi, la raison même de leur existence. De plus, les Juifs entreprennent une sorte de conquête du monde par un prosélytisme vigoureux, gagnant de nombreux adeptes à leur foi.

C’est de la consécration des Juifs à l’étude de la Loi de Moïse que surgit la tradition souvent lourde, qui s’immisce dans toutes les facettes de la vie politique et privée du peuple juif, et qu’on retrouve au premier siècle. Cette tendance fortement légaliste constitue le grand défaut des pharisiens, les ennemis contemporains de Jésus. C’est ainsi que se fait le cheminement des Juifs d’après l’exil et qu’ils deviennent exclusifs à l’égard des étrangers, qu’ils commencent à célébrer le culte en suivant la lettre de la Loi plutôt que l’esprit, et qu’ils en exagèrent les prescriptions. Cela dit, cette Loi de Moïse a le grand mérite de sauvegarder l’intégrité de la nation et de lui imprimer son caractère indélébile, car c’est la Loi de Moïse qui fait qu’un Juif est un Juif. Au final, la déportation babylonienne a eu une influence colossale et bienfaisante sur les Israélites, comme quoi le châtiment du Seigneur a du bon.

Cette étonnante transformation nous est rapportée par Esdras grâce aux événements qu’il a choisi de nous raconter. L’auteur nous apprend que la première caravane conduite par Zorobabel ne comprend que les Juifs qui ont délibérément choisi de rentrer au pays plutôt que de conserver les positions lucratives qu’ils occupent en Babylonie. C’est ainsi que s’est opéré un important triage grâce auquel furent éliminés tous ceux qui ne sont pas animés de zèle pour le Dieu de leurs ancêtres. Les prêtres, descendants d’Aaron frère de Moïse, forment à eux seuls environ le dixième des émigrants, ce qui fait que leur influence est considérable.

Le souci principal des premiers colons est de préparer la reconstruction du Temple, une œuvre qu’ils mènent tambour battant, l’épée à la main. Malgré des difficultés de tous genres qui ralentissent leur travail, ils achèvent la reconstruction du Temple grâce à leurs chefs Esdras et Néhémie qui sont des dirigeant capables. C’est Esdras qui apporte avec lui de Babylone la Loi de Moïse, et douze ans plus tard, secondé par Néhémie, il l’a promulguée solennellement en faisant jurer au peuple choisi de l’observer à perpétuité. En outre, les Israélites bénéficient du concours et de l’encouragement des prophètes Aggée et Zacharie.

C’est donc grâce à ce rouleau des deux petits livres historiques d’Esdras et de Néhémie que nous savons dans quelles conditions s’est développé Israël après l’exil babylonien. Bien que ces récits ne nous donnent pas une histoire suivie, ils permettent quand même de comprendre comment la nation juive s’est développée pendant cette longue période de temps entre la captivité de Babylone et la venue de Jésus-Christ.

Ces deux livres comprennent également pas mal de listes barbantes comme les ustensiles du Temple, les noms des Israélites revenus d’exil avec Esdras, la liste de la répartition des travaux de réfection de la muraille de Jérusalem, la liste qui énumère les noms des signataires d’un certain engagement, la liste de ceux qui sont venus s’installer définitivement à Jérusalem, la liste de toutes les localités repeuplées et de tous les prêtres et Lévites revenus d’exil. Pourquoi être aussi tatillon, me direz-vous ? Eh bien, il a toujours été important pour les Israélites de savoir qui est qui et et de quelle tribu d’origine est chaque personne. Comme pour les nombreuses généalogies que contiennent les Textes Sacrés, ce souci du détail provient du fait que le Messie qui va venir doit naître de la tribu de Juda, et faire partie de la lignée de David.

En plus de ces listes, nous avons, d’une part, les informations qui proviennent des rapports qu’Esdras et Néhémie adressent à l’administration perse pour rendre compte de la mission qui leur a été confiée par l’empereur, ainsi que et d’autre part, les lettres officielles qui font partie de la correspondance entre les Israélites et l’administration perse, des lettres qui sont d’ailleurs rédigées en araméen plutôt qu’en hébreu.

Esdras est le petit-fils du grand-prêtre Hilquiya qui retrouva une copie de la Loi de Moïse sous le règne du bon roi Josias (2 Rois 22.8). Cette histoire est racontée dans le second tome du livre des Chroniques. Bien qu’il soit prêtre, Esdras ne peut pas exercer de sacerdoce puisque le Temple est en ruines. Cependant, il s’adonne à l’étude de la Loi de Moïse qu’il lit publiquement devant le peuple qui est revenu d’exil, du moins devant ses chefs, ce qui suscite un réveil spirituel de grande envergure.

Le but premier du retour de l’exil est donc la restauration du culte à l’Éternel dans le Temple de Jérusalem qui doit donc nécessairement être reconstruit. Israël étant une théocratie, son identité est liée au culte de l’Éternel. Vers la fin du livre d’Esdras, l’auteur nous donne la clef qui permet de comprendre la motivation de ces premiers pionniers. Je cite ce passage :

Auprès de moi s’assemblèrent tous ceux que faisaient trembler les paroles du Dieu d’Israël, à cause du péché des fils de la captivité (Esdras 9.4)

C’est la crainte de l’Éternel, c’est-à-dire une crainte respectueuse, une profonde vénération de sa personne qui conduit quelqu’un à la piété, à invoquer le nom de l’Éternel, à se soumettre à lui et à obéir à sa Parole. Voilà pourquoi les deux thèmes sous-jacents du livre d’Esdras sont la prière et la Parole du Seigneur. Cette dernière expression revient dix fois dans ce livre, ce qui montre combien elle a joué un rôle important dans la vie du peuple dans les domaines aussi bien religieux que social, économique et politique.

Commentaire biblique radiophonique écrit par le pasteur et docteur en théologie : Vernon McGee (1904-1988) et traduit par le pasteur Jacques Iosti.

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