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Habaquq 2.5-8
L’homme est bien supérieur à l’animal parce qu’il est capable de fabriquer des armes qui lui permettent d’exterminer ses congénères. Qu’en dites vous ? Moi, cette affirmation me met mal à l’aise parce que même si c’est une simplification facile, elle est vraie. En effet, l’animal chasse quand il a faim puis il fait la sieste, mais l’homme tue pour satisfaire des passions qu’il est incapable de contrôler, et c’est un être orgueilleux qui fait des excès en tous genres. C’est en tout cas de cette manière que l’Éternel décrit le peuple chaldéen.
Je continue de lire dans le second chapitre du livre du prophète Habaquq.
Voici, il est enflé d’orgueil, il n’est pas droit de cœur […]. Certes, le vin est traître et l’homme hautain ne reste pas tranquille ; tel le séjour des morts, il ouvre une large bouche et comme la mort, il n’est jamais rassasié. Car il ajoute à ses conquêtes nation après nation, et il rassemble tous les peuples sous sa domination (Habaquq 2.4 a-5 ; auteur).
« L’homme hautain qui ne reste pas tranquille » est le Chaldéen, c’est-à-dire l’empire babylonien. Le mot hébreu pour « hautain » (yâhir) n’apparaît qu’ici et dans le proverbe où il est dit :
Le moqueur est un homme arrogant et hautain qui agit poussé par un orgueil démesuré (Proverbes 21.24).
Littéralement, le texte dit : « l’arrogant, l’hautain, moqueur (est) son nom ». Dans les écrits de la sagesse israélite, le terme « moqueur » a un sens bien plus dur que dans notre langue, car il désigne quelqu’un qui se place au-dessus de toute règle morale, et c’est bien ainsi que se conduisent les Chaldéens qui ne connaissent qu’une seule loi, la leur et celle qu’ils imposent aux peuples conquis.
Par la bouche de son prophète, l’Éternel reproche aux Babyloniens deux conduites coupables : les excès de vin et leurs conquêtes insatiables. On aurait pu leur appliquer cette menace du prophète Ésaïe qui écrit :
Malheur à vous qui courez de bonne heure après les boissons enivrantes et qui vous attardez, le soir, excités par le vin (Ésaïe 5.11) !
L’expression, « le vin est traître », qu’utilise Habaquq, est un proverbe qui a cours au Moyen-Orient. Cette pensée est développée dans le livre des Proverbes de l’Ancien Testament où il est écrit :
Le vin est plein d’insolence et l’alcool rempli de tapage, celui qui s’en laisse griser ne pourra être sage (Proverbes 20.1).
L’alcool est effectivement trompeur et perfide, parce qu’au lieu de donner force et vie à ceux qui s’y adonnent, il les détruit. Un autre proverbe de l’Ancien Testament dit :
Ne couve pas de tes regards le vin vermeil quand il brille de son éclat dans la coupe : il descend si aisément, mais finit par mordre comme un serpent et te piquer comme une vipère (Proverbes 23.31-32).
Nous savons par les historiens antiques (Hérodote, Quinte-Curce, etc.) que les Babyloniens sont très épris de boissons alcoolisées. Ils boivent autant la sève fermentée du palmier que du vin de raisins qu’ils importent. Les habitants de Babylone qui en ont les moyens sont connus pour leurs beuveries. C’est d’ailleurs au moment où Balthazar, le dernier roi de l’empire babylonien, se livre à tous les excès de son intempérance que Babylone tombe aux mains du roi perse Cyrus. Dans le livre de Daniel on lit :
Un jour, le roi Balthazar organisa un banquet en l’honneur de ses mille dignitaires et se mit à boire du vin en leur présence. Excité par le vin, Balthazar ordonna d’apporter les coupes d’or et d’argent que Nabuchodonosor, son père, avait rapportées du Temple de Jérusalem. Il avait l’intention de s’en servir pour boire, lui et ses hauts dignitaires, ses femmes et ses concubines. Aussitôt, on apporta les coupes d’or qui avaient été prises dans le Temple de Dieu à Jérusalem, et le roi, ses hauts dignitaires, ses femmes et ses concubines s’en servirent pour boire. Après avoir bu du vin, ils se mirent à louer les dieux d’or, d’argent, de bronze, de fer, de bois et de pierre (Daniel 5.1-4).
Une immense partouze avec beuverie et le reste est déjà un gros travers, mais le problème devient bien plus grave une fois que les convives sont bien éméchés, car ils dépassent alors les limites en commettant un crime de lèse-majesté contre le Dieu des cieux. Ils se servent de la vaisselle sacrée du temple de Jérusalem pour boire, vaisselle qui ne doit être utilisée que par les prêtres de l’Éternel et à des fins cultuelles. Cette très mauvaise idée de la part de cette bande d’ivrognes signe leur arrêt de mort.
La conduite de Balthazar est d’autant plus scandaleuse qu’il sait très bien qui est l’Éternel (Daniel 5.22) puisque son grand-père Nabuchodonosor l’a reconnu comme le Dieu des cieux et le seul Dieu véritable, qu’il l’honorait et le louait. D’autre part, même lorsque Nabuchodonosor est encore le païen idolâtre pur et dur qui détruit Jérusalem, il se conduit d’une manière respectueuse envers la vaisselle sacrée du temple ; certes, il l’a dépose dans la maison de son dieu préféré (Daniel 1.1-2), mais ne l’utilise pas. Balthazar n’a donc aucune excuse à son actif pour justifier son comportement. Il est parfaitement conscient d’insulter l’Éternel quand il prend la décision de profaner les coupes sacrées.
En organisant cette beuverie, le roi révèle à quel point il est hautain. Il est dédaigneux, d’une part, vis-à-vis de ses ennemis qu’il croit incapables de prendre Babylone, et d’autre part envers le Dieu des Hébreux qu’il considère comme un dieu inférieur. Excités par le vin, les dignitaires présomptueux manifestent une insolence moqueuse en bravant l’Éternel. Mais ça ne leur suffit encore pas ; il faut qu’ils mettent le comble à leur comportement odieux en se livrant à une idolâtrie de bas étage. Mais ce faisant, ils enfoncent le dernier clou dans leur cercueil ; la coupe de la colère de Dieu déborde et la suite du texte dit :
À ce moment-là apparurent soudain, devant le candélabre, les doigts d’une main humaine qui se mirent à écrire sur le plâtre du mur du palais royal. Le roi vit cette main qui écrivait. Alors son visage devint blême, des pensées terrifiantes l’assaillirent, il se mit à trembler de tout son être et ses genoux s’entrechoquèrent (Daniel 5.5-6).
Les devins et sages de Babylone sont alors appelés en toute hâte, mais ils se révèlent incapables de déchiffrer l’écriture que la main invisible trace parce que ce ne sont pas des mots d’une langue connue comme l’araméen, le phénicien ou l’hébreu qui apparaissent sur le mur, mais des signes idéographiques. Or, ces hiéroglyphes sont incompréhensibles sans une illumination divine. En dernier recours on appelle Daniel que le roi Balthazar regarde de très haut en l’appelant « ce Daniel qui fait partie des exilés de Juda », c’est-à-dire le pays dont il méprise le Dieu. Il a bien tort de s’élever ainsi car sa chute n’en sera que plus douloureuse. Cependant, Daniel ne se laisse pas démonter, au contraire, il reprend vertement le roi pour sa conduite idolâtre, puis ajoute :
Le Dieu qui tient ton souffle de vie dans sa main et de qui dépend toute ta destinée, tu ne l’as pas honoré. C’est pourquoi il a envoyé cette main pour tracer cette inscription (Daniel 5.23-24). Voici ce qui a été tracé : mené, mené, téqel, uparsîn (Daniel 5.25 ; auteur).
L’inscription sur le mur se compose seulement de quatre mots, concis et secs comme un coup de trique. Daniel révèle alors la signification de cette mystérieuse inscription. Il dit :
Et voici l’explication de ces mots. Mené : Dieu a compté ton règne et y a mis fin. Téqel : Tu as été pesé dans la balance et tu as été trouvé léger (SER). Uparsîn (Peres ; voir le commentaire sur Daniel) : Ton royaume sera brisé et donné aux Mèdes et aux Perses (Daniel 5.26-28 ; auteur).
Voilà comment cette beuverie du roi Balthazar tourne court et se termine par la prise de Babylone par Cyrus.
Par l’intermédiaire d’Habaquq, Dieu reproche aux Chaldéens, premièrement leurs excès de boissons fortes, et deuxièmement, leur soif insatiable de nouvelles conquêtes. Habaquq les compare au séjour des morts qui tel un monstre hideux, avale les êtres vivants à la pelle et ne dit jamais assez (Proverbes 30.15-16). Et en effet, Babylone ouvre toutes grandes ses mâchoires pour dévorer tous les peuples qu’elle trouve à se mettre sous la dent. Dans une certaine mesure, l’abus des boissons fortes et le désir insatiable de conquérir sont comparables, dans le sens que tous deux sont des excès qui mènent au désastre. « Tant va la cruche à l’eau qu’à la fin elle se casse » (Origine : Roman de Renart ; 12-13e siècle). Tout comme l’abus d’alcool conduit à l’ignominie, la poursuite inlassable de nouveaux territoires précipite finalement les Chaldéens à la ruine. Cependant, avant que cela n’arrive, les Israélites du royaume de Juda qui sont pourtant le peuple de Dieu boiront eux aussi la coupe de la colère de Dieu. Le prophète Ésaïe prophétisant contre Jérusalem écrit :
C’est pourquoi le séjour des morts fera gonfler sa gorge et, démesurément, élargira sa bouche. Les dignitaires de la ville et sa foule bruyante y descendront ensemble et leur joyeux tumulte s’en ira avec eux. C’est pourquoi tous les hommes devront courber le dos, ils seront humiliés et tous les orgueilleux devront baisser les yeux (Ésaïe 5.14-15).
Cette menace s’accomplit en l’an 587-586 avant Jésus-Christ quand Nabuchodonosor détruit Jérusalem. S’il est facile de condamner autrui pour le mal qu’il nous fait, il faut retenir des paroles d’Ésaïe que « tous les hommes devront courber le dos, ils seront humiliés et tous les orgueilleux devront baisser les yeux ».
Commentaire biblique radiophonique écrit par le pasteur et docteur en théologie : Vernon McGee (1904-1988) et traduit par le pasteur Jacques Iosti.