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23 avril 2024

Job 1.1-5

Un dicton populaire dit : « Le mal retourne à celui qui le fait ». Qu’est-ce que la vie serait belle pour tous si cet adage était vrai, si les choses étaient aussi simples ! Mais tout le monde sait qu’il est des gens qui se prennent une tuile sur la tête ou qui souffrent sans cause, sans raison apparente et cela depuis l’aube de l’humanité. Caïn a tué Abel sans que ce dernier ait commis quoique ce soit de mal. Combien n’ont connu que le malheur sans l’avoir mérité ? La souffrance des innocents est difficile, que dis-je, impossible à comprendre et accepter. Mais alors, que dire du juste qui est affligé sans raison ? C’est un défi à l’homme rationnel qui veut une explication. Un autre dicton de la sagesse populaire dit : « Il n’y a aucun mal qui ne serve à quelque bien » ; celui là aussi est un peu simpliste.

Ici et là, les Textes Sacrés parlent du problème du mal mais il est un livre qui a ce sujet pour thème principal ; en fait et plus précisément, le sujet traité est la souffrance du juste et il s’agit du livre de Job. Cet homme nous est présenté comme le personnage le plus important de l’une des deux régions situées à l’est du Jourdain : soit le sud de l’actuelle ville de Damas en Syrie, soit l’ancien territoire d’Édom qui va du sud de la mer Morte jusqu’au golfe d’Aqaba. Ce golfe qui se trouve à la pointe de la mer Rouge fait aujourd’hui partie de la Jordanie.

Job est un Bédouin, grand propriétaire de troupeaux ; il vit tantôt dans le désert et tantôt dans une ville dont il est le chef. C’est un homme très respectueux de Dieu, qui mène une vie droite et intègre et qui du jour au lendemain est mystérieusement frappé par une série de malheurs. Il perd absolument tout ce qu’il possède, y compris sa famille ; ses enfants sont tués et sa femme l’abandonne à son triste sort. Mais ce n’est qu’un début de son calvaire car dans un deuxième temps, il est atteint d’une terrible maladie qui fait pourrir sa chair. Il devient littéralement un mort-vivant. C’est alors que commence une lutte mentale intense car il cherche à comprendre pourquoi il est frappé de la sorte, qu’est ce qu’il a bien pu faire de mal, ou comme j’ai entendu parfois : « Mais qu’est-ce que j’ai donc fait au Bon Dieu pour qu’il m’arrive cette poisse. »

Job est le premier d’une série de 5 livres dits poétiques de l’Ancien Testament. Ils sont appelés ainsi à cause de leur forme littéraire et non pas parce que leur contenu est dû à l’imagination débordante et fantaisiste de leurs auteurs. En outre, il faut savoir que la poésie hébraïque et de l’Antiquité ne cherche pas à faire rimer des vers, mais répète la même idée sous différentes formes appelées « parallélisme ».

Le livre de Job est non seulement un livre poétique, mais aussi un ouvrage qui appartient à la littérature de la sagesse, c’est à dire qui réfléchit aux grands problèmes de l’existence humaine, en substance l’énigme douloureuse de la souffrance injuste. Dans le canon de l’Ancien Testament, les livres des Psaumes, des Proverbes, de l’Ecclésiaste et le Cantique des Cantiques, font également partie de ce genre littéraire.

Parallèlement, il existe divers textes extra-bibliques qui présentent des ressemblances avec Job, mais ils épousent la conception simpliste du credo populaire selon lequel la souffrance est la conséquence des fautes de celui qu’elle atteint. Cette association de la souffrance au péché est une opinion fort répandue dans la sagesse populaire. C’est aussi cette vision mécaniste de la vie qu’adoptent les trois amis de Job venus pour le consoler. Mais avec des amis pareils, qui a besoin d’ennemis ? Ils accusent Job d’être personnellement responsable des calamités qui ont détruit son bonheur et sa vie paisible. Ils défendent bec et ongles une théologie orthodoxe de cause à effet selon laquelle Dieu étant juste, ceux qui se conduisent avec vertu sont récompensés et les pécheurs punis. C’est peut-être banal mais rassurant. Ce trois amis insistent pour dire et redire que le malheur n’arrive jamais sans raison et qu’il représente toujours un châtiment pour celui qui en est atteint. Job récolte la moisson inévitable des germes du mal qu’il a semés. Comme je l’ai dit : « qu’est-ce que ce serait bien si les choses étaient aussi simples, et si on pouvait tout bien ranger dans des petites boîtes bien carrées dans sa tête et si tout répondait à notre logique ! » Seulement voilà, la réalité est tout autre. Le livre de Job est un éloquent commentaire des limitations de l’esprit humain à ramener le problème du mal et de la souffrance à quelque explication logique. Job et les autres personnages du livre essaient de réunir les morceaux d’un puzzle, mais il manque des pièces.

Dans le contexte du prologue, les souffrances de Job apparaissent, non pas comme la preuve d’un jugement divin pesant sur lui, comme ses faux amis cherchent à établir, mais plutôt comme une preuve de la confiance que Dieu a en lui quand il relève le défi de Satan.

Le livre de Job, comme les autres de l’Ancien Testament, attend la venue de Jésus-Christ car lui seul peut répondre aux questions posées et aux profonds soupirs de l’âme humaine.

La structure du livre de Job est tout à fait unique, et une œuvre de maître inégalée dans toute la littérature antique. Le prologue et l’épilogue sont en prose narrative et le corps du texte alterne entre monologues et dialogues sous formes poétiques. Tout au long du livre, on rencontre des groupes de deux, trois ou quatre personnes ou discours. Ainsi, Job a quatre amis qui viennent le réconforter ; trois d’entre eux s’adressent à lui dans le cadre de trois cycles dans lesquels alternent les discours de l’un et la réponse de Job. Ensuite viennent deux discours monologues de Job. Enfin, le quatrième personnage qui jusque-là est demeuré silencieux, prononce quatre discours. Enfin, Dieu sort de l’ombre et s’adresse deux fois à Job.

On ne connaît pas l’auteur de ce livre puisqu’il a choisi de ne pas s’identifier. Ce qui est sûr, par contre, est qu’il ne s’agit pas d’un brillant romancier car l’auteur donne vraiment l’impression d’avoir personnellement assisté à l’agonie et à l’angoisse indescriptible de Job ; c’est comme s’il avait été témoin de ce drame, qui loin d’être un conte imaginaire s’est déroulé exactement comme il est raconté. D’ailleurs, plusieurs auteurs bibliques mentionnent Job, le considérant comme un personnage historique. Cela dit, il serait raisonnable de supposer que Job lui-même est l’auteur du livre qui porte son nom puisqu’il en est le principal intéressé, héros malgré lui. Comme le texte souligne qu’il a vécu encore 140 ans après avoir subi cette épreuve épouvantable pire encore que la Roche Tarpéienne, Job apparaît de loin comme le personnage le mieux placé pour se souvenir de tous les détails et il a eu amplement le temps de coucher toute son histoire sur le parchemin. Oui, mais la connaissance de pays lointains penche plutôt vers une date de composition postérieure à Salomon. De toute façon, la date de rédaction de ce livre n’est pas importante parce que ce qui fait sa valeur et son intérêt pour nous aujourd’hui, est qu’il traite un problème universel qui transcende le temps et l’espace.

Pour ce qui est de l’arrière-plan du récit, il est évident que les événements décrits ont eu lieu au temps des patriarches Abraham, d’Isaac et de Jacob, approximativement entre les années 2100 et 1900 av. J-C. Les raisons qui privilégient cette période sont multiples. Tout d’abord, Job a vécu environ 210 ans ce qui correspond à la longueur de vie moyenne des hommes de l’époque des patriarches. Sa richesse se mesure essentiellement en troupeaux ce qui est aussi le cas d’Abraham, Isaac et Jacob. Deux groupes ethniques, les Sabéens et les Chaldéens, sont décrits comme nomades, ce qui est uniquement vrai au temps des patriarches. Le mot hébreu bien spécifique utilisé pour « pièce d’argent » n’apparaît ailleurs dans les Textes Sacrés que dans la Genèse. De plus, selon les us et coutumes de l’époque de cette histoire, les filles de Job sont considérées comme héritières de leur père au même titre que leurs frères, ce qui n’est pas le cas sous le régime de la loi de Moïse. On constate aussi que Job fonctionne comme son propre prêtre et celui de sa famille, une pratique qui précède l’existence d’Israël et de Moïse, qui ne sont pas mentionnés, pas plus que la Loi, ni aucune de ses institutions, fêtes, ni aucun de ses rites.

Le style littéraire du livre de Job se retrouve ailleurs dans des ouvrages égyptiens et mésopotamiens qui datent du temps des patriarches. Tout au long du livre, l’auteur utilise « Le Tout-Puissant » pour désigner Dieu. On trouve cette appellation ailleurs dans les Textes Sacrés, mais plus particulièrement dans la bouche des patriarches. Pour finir cette liste, plusieurs personnages de cette histoire sont associés à l’époque d’Abraham, Isaac et Jacob.

Le texte hébreu du livre de Job est très difficile parce qu’on y rencontre de très nombreux termes ou tournures qui nous sont totalement inconnus. Le vocabulaire reflète l’influence de plusieurs langues : l’akkadien, l’arabe, l’araméen, le sumérien et encore d’autres. Le texte hébreu a posé tellement de problèmes aux traducteurs de la Septante que près d’un quart du livre manque. Certains passages sont carrément intraduisibles et bien des mots du livre de Job ne se trouvent nulle part ailleurs. 5 mots différents sont utilisés pour désigner « un lion », six pour « pièges » et six pour « ténèbres ». De toute évidence, l’hébreu de Job est très différent de celui que l’on trouve habituellement dans l’Ancien Testament. Pourtant, ce livre est très riche en ce qu’il couvre de nombreux sujets comme par exemple : l’astronomie, la géographie, la chasse, le temps, l’exploitation minière, les voyages, la zoologie, ou encore le droit législatif.

En relatant cette histoire vécue, l’auteur a plusieurs objectifs. Il souligne évidemment le caractère horrible de la souffrance en général et surtout le fait qu’il est absolument anormal qu’elle afflige le juste. Cette perspective du monde laisse entendre que selon l’auteur, sur notre planète tout ne va pas pour le mieux dans le meilleur des mondes. Ce récit dévoile aussi la perfidie et la cruauté de Satan, et réfute sa thèse comme quoi l’homme ne sert Dieu que par intérêt personnel, parce qu’il y trouve son compte. Ce récit enseigne aussi la patience dans l’épreuve comme le souligne d’ailleurs l’apôtre Jacques dans son épître. Je le cite :

Oui, nous disons bienheureux ceux qui ont tenu bon. Vous avez entendu comment Job a supporté la souffrance. Vous savez ce que le Seigneur a finalement fait en sa faveur, parce que le Seigneur est plein de bonté et de compassion (Jacques 5.11).

Ce livre révèle également que demander pourquoi on souffre n’est pas mal faire. Par contre, exiger que l’Éternel réponde comme le fait Job est une conduite arrogante parce qu’elle met en doute le caractère de Dieu et conteste sa souveraineté. Or, le Tout-Puissant n’a de comptes à rendre à personne. Cela dit, la souffrance de Job lui fait faire de grands progrès dans la connaissance de son Créateur, et sa longanimité contribue à la gloire de Dieu. Mais il n’empêche que Job a des torts. Tout au long de l’histoire, il est convaincu d’être en parfaite règle avec son Créateur, ce qui lui fait défendre sa propre justice d’arrache-pied contre ses amis qui l’accusent, bien à tort d’ailleurs, d’avoir commis quelque mauvaise action. Job est en effet d’une intégrité absolue, droit comme un i. Peut-être même est-il l’homme le plus droit de l’Ancien Testament qui ait jamais existé. A vue humaine, on ne peut donc absolument rien lui reprocher. Mais Dieu le place dans une fournaise d’une telle intensité que la souffrance va le dépouiller de tout ce qu’il possède en biens matériels, émotionnels et spirituels. Tout ce qui constituait sa sécurité est parti en déconfiture. Son agonie le conduit au bord de la folie où il adopte une attitude hautaine dans laquelle il supplie l’Éternel d’accepter un tête à tête avec lui dans le but de se justifier. C’est quand Job atteint le summum du désespoir que finalement Dieu se révèle à lui. Alors, Job comprend sa folie et se repent amèrement d’avoir remis en question la sagesse du Créateur. Il dit alors :

Aussi je me condamne, je regrette mon attitude en m’humiliant sur la poussière et sur la cendre (Job 42.6).

D’habitude, on s’attend à ce que ce soient des personnages vils et méchants qui reconnaissent leurs travers et s’humilient devant Dieu. Dans ce sens, l’homme moderne a vraiment besoin de faire un mea culpa. Seulement, voilà, nos contemporains rejettent leurs torts et leur culpabilité sur les autres, sur leurs proches, sur l’État, sur le système, ou que sais-je encore. Pour ma part, plus ma compréhension de Dieu se rapproche de ce qu’il est vraiment, et plus je me rends compte que toute ma justice, si j’en ai une, tout ce que j’ai peut-être fait d’honorable, ne sont que des chiffons souillés aux yeux du Dieu 3 fois saint.

Commentaire biblique radiophonique écrit par le pasteur et docteur en théologie : Vernon McGee (1904-1988) et traduit par le pasteur Jacques Iosti.

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