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Osée 1.1-9
On fait le reproche aux religieux de tout poil de prendre les réalités de la vie, de les déshabiller de leurs vêtements originaux et de les rhabiller pour les présenter sous un aspect édulcoré revêtu des couleurs de l’arc-en-ciel et de manière à ce que la morale soit sauve. Il n’en est pas du tout ainsi dans les Textes sacrés. Le Cantique des cantiques par exemple, décrit sans pudeur deux nuits de noces et pour faire un jeu de mots facile, il est très osé, tout comme le livre du prophète Osée qui choque la morale. En effet, un jour, l’Éternel va voir Osée et lui dit : « Va, prends une femme qui se livre à la prostitution », littéralement : « une femme d’adultère, ou une femme qui se révélera infidèle ».
Le livre d’Osée se compose de deux parties distinctes (ch. 1 à 3 et 4 à 14). La première qui se dégage nettement du reste du livre contient deux actes symboliques accomplis par le prophète (ch. 1, 3) et qui encadrent des explications (ch. 2). Cette première partie correspond à la fin du règne de Jéroboam II sur le royaume des X tribus du Nord. L’idolâtrie et les nombreuses infidélités du peuple sont exprimées sous la forme de deux mariages successifs avec une femme portée à se prostituer.
La seconde partie du livre est un recueil de discours sans mise en acte. Elle consiste en une suite continue d’oracles sans points d’arrêt bien marqués, et date de la période postérieure au règne de Jéroboam II. Cette seconde partie comprend deux cycles parallèles construits sur trois thèmes qui sont : les péchés d’Israël (ch. 4-7 ; 12), les châtiments de Dieu (ch. 8-10 ; 13), puis la restauration du peuple (ch. 11 ; 14).
L’objectif principal de la prophétie d’Osée comme celle d’Amos, d’Ésaïe et de Michée, ses contemporains du 8e siècle av. J-C, doit être compris sur l’arrière-plan et à la lumière de l’enseignement théologique du livre du Deutéronome qui rapporte les termes de l’alliance entre l’Éternel et Israël. Selon ce contrat d’alliance, Israël doit rester fidèle au Seigneur en l’adorant lui seul et en obéissant à ses commandements. Cette soumission entraînera des bénédictions (Deutéronome 28.1-14) tandis qu’une attitude rebelle engendrera le châtiment et l’exil (Deutéronome 28.15-68).
Par ses actes symboliques, mais bien réels pour lui, Osée rappelle au peuple d’Israël qu’il est marié à l’Éternel, que ce sont des époux et que leur relation est régie par un contrat. À ce symbolisme conjugal se rattache le thème du procès d’alliance, courant dans le Proche-Orient ancien, et que le suzerain intente à son vassal quand ce dernier est déloyal envers son maître. Ici, le procès est intenté au peuple infidèle (Osée 2.4-15) comme le ferait un mari à son épouse coupable d’adultère afin de lui signifier sa répudiation. Israël est rejeté par l’Éternel et perd donc sa qualité de peuple de Dieu (Osée 1.6-8 ; 2.4), ce qui s’est traduit par son départ en exil et l’abandon de son pays. Ce châtiment a un but pédagogique car l’Éternel veut qu’Israël, d’une part, apprenne que les idoles ne sont d’aucune utilité, et d’autre part, qu’il revienne à son Dieu.
Pour illustrer l’infidélité d’Israël, Osée doit épouser Gomer, une femme qui est dite « d’adultère » parce qu’à l’exemple de la nation juive, elle sera infidèle à son mari. Cette union a pour but de représenter l’alliance entre l’Éternel et Israël, ainsi que la condition spirituellement et moralement déplorable du peuple de Dieu qui est comparé à une épouse adultère. Trois enfants naissent de cette union et reçoivent des noms symboliques qui annoncent la fin de la dynastie de Jéhu, Jéroboam II étant son arrière-petit-fils. Les noms des enfants annoncent aussi la fin du royaume des X tribus du Nord, ce qui a lieu environ trente ans plus tard. L’exil d’Israël Nord sera une rude épreuve, mais le message du prophète ne consiste pas seulement à l’annonce d’un châtiment car l’objectif des jugements de l’Éternel est pédagogique ; il veut que son peuple revienne à lui, et à l’avenir, qu’il s’attache à nouveau à lui. Ce message plein d’espérance est symbolisé par l’attitude d’Osée qui rachète à un prix élevé sa femme qu’il a répudiée et qui est alors devenue esclave, probablement comme prostituée sacrée dans le temple de Baal, mais Osée la reprend pour épouse. Osée réaffirme donc la promesse de la restauration ultime d’Israël, promesse également contenue dans le livre du Deutéronome (Deutéronome 30.1-10). Cette restauration finale aura lieu à la fin des temps quand l’Éternel reprendra Israël pour son peuple et lui redonnera son amour ; alors, la nation connaîtra une sécurité et une prospérité inégalées (Osée 2.1-3 ; 16-24).
Les principaux thèmes de la prophétie d’Osée peuvent se résumer en trois mots : péché, jugement et salut. Israël est accusé d’adultère et de prostitution parce que le peuple rend un culte à Baal, divinité cananéenne de la tempête, dans le but d’obtenir de Baal la fertilité de la terre, des animaux et des femmes ; tout dans le même panier. L’idolâtrie (Osée 4.12-19 ; 6.10 ; 8.4-6 ; 10.5 ; 11.2 ; 13.2) est la faute la plus grave d’Israël, surtout qu’à ce péché s’ajoutent les pratiques cananéennes de la prostitution sacrée et les incisions qui se sont même frayé un chemin jusque dans le culte rendu à l’Éternel (Osée 4.10-19 ; 7.14 ; 9.1). Certes, on le vénère encore, mais au milieu d’autres faux dieux et pour se donner bonne conscience. Ce culte n’est en fait qu’un formalisme superficiel (Osée 5.6 ; 8.13 ; 9.4) du bout des lèvres avec des paroles pieuses mais hypocrites, car elles ne sont pas accompagnées d’un véritable sentiment de culpabilité et d’humiliation. Les Israélites honorent une caricature du Dieu de leurs ancêtres, mais en réalité, ils lui sont indifférents. En effet, l’Éternel est assimilé aux idoles païennes qui sont satisfaites par des pratiques rituelles et ne s’embarrassent pas de considérations morales. Il s’en suit que dans l’esprit des Israélites, tant qu’ils présentent une vitrine religieuse, ils peuvent en toute bonne conscience, user de tous les moyens, y compris les plus frauduleux, pour accroître leurs richesses (Osée 12.8s). Ils interprètent l’accumulation de biens mal acquis comme des signes de la faveur des dieux, l’Éternel inclus. C’est la prospérité, considérée comme la fin ultime de la vie, qui conduit à ce délabrement moral tragique.
A cet égard, le livre d’Osée conserve toute sa fraîcheur car il est tout à fait à l’ordre du jour. En effet, si l’idolâtrie grossière n’est plus à la mode, du moins sous nos tropiques, la religiosité a toujours bonne presse et le culte de la prospérité a encore de beaux jours devant lui. Cela dit, Osée ne condamne pas les richesses en tant que telles, car dans sa polémique contre les idoles, il affirme que c’est l’Éternel qui est l’auteur de tout bien et de tout don (Osée 2.10 ; 14.9) ; c’est lui le véritable pourvoyeur, mais Dieu demande à l’homme de lui accorder la première place car elle lui revient de droit (Osée 2.17, 23-25 ; 14.6-9). C’est aussi le premier des X commandements de la loi de Moïse et l’enseignement permanent de Jésus (Mattieu 6.33).
Outre l’idolâtrie, Osée mentionne bien d’autres péchés comme l’injustice sociale (Osée 12.7-8), la rébellion politique (Osée 7.3-7), la violence (Osée 4.2 ; 6.9 ; 12.2), l’hypocrisie (Osée 6.6), les alliances avec les nations païennes (Osée 7.11 ; 8.9), l’arrogance (Osée 13.6) et l’ingratitude (Osée 7.15). Mais en fait, Osée enseigne d’une part, que le péché quel qu’il soit, émane d’un état d’esprit idolâtre, une mentalité dévoyée, un esprit de prostitution qui dirige toutes les actions de l’être, et d’autre part, qu’une guérison et une transformation intérieures sont nécessaires (Osée 14.4-7).
Bien que les messages d’Osée contiennent des appels à la repentance, le prophète ne s’attend pas à une réponse positive de la part de ses auditeurs. Le jugement d’Israël Nord est inévitable et la nation va connaître les malédictions prévues par le contrat d’alliance de la loi de Moïse : la famine, les invasions militaires et l’exil. À cet égard, Osée proclame également la justice de Dieu en soulignant que les châtiments divins sont amplement mérités par la nation coupable. Sa mission auprès d’Israël Nord est la même que celle de Jérémie dans Juda. Tous deux voient venir la catastrophe et leur tâche est de la justifier tout en prêchant la repentance.
Le rejet des Israélites du Nord en tant que peuple de Dieu est plus présent dans les oracles d’Osée que chez les autres prophètes. Osée montre nettement que l’Ancienne Alliance est conditionnelle, car ceux qui ne respectent pas ses clauses en sont exclus. D’ailleurs, Jésus a dit aux religieux juifs de son époque :
Votre père, c’est le diable (Jean 8.44).
L’apôtre Paul développe l’aspect conditionnel de l’Ancienne Alliance dans son épître aux Romains (11.17, 20). Mais pour Osée comme pour Paul, ce rejet n’est pas définitif, car les Israélites repentants peuvent être réintégrés dans le peuple de Dieu (Osée 2.1-3 ; Romains 11.11-24).
Osée ne mentionne pas la Nouvelle Alliance, mais il en exprime l’idée par son remariage avec Gomer qu’il avait répudiée. Comme je l’ai dit, cette action symbolique évoque la répudiation du peuple de Dieu, puis son retour à l’Éternel que l’épouse Israël appelle de nouveau « son mari » (Osée 2.16-22, 25).
Dans sa vision du salut futur et donc de la Nouvelle Alliance, Osée reprend au prophète Amos le thème de la réunification du peuple de Dieu dirigé par un roi unique de la dynastie de David (Osée 2.2 ; 3.5 ; comparez Amos 9.9s). Le salut passe obligatoirement par la soumission à ce roi qui est bien sûr Jésus-Christ, le Nouveau David.
Osée utilise un langage brusque et saccadé, des images hardies et colorées, parfois simplement jetées sans être développées. Son style est concis, vivace mais souvent énigmatique. Il utilise des tournures de phrases inhabituelles, il passe du coq à l’âne, d’une idée à l’autre sans transition comme s’il déversait le trop-plein de ses pensées et de son cœur qui bouillonne de sentiments contradictoires qui s’affrontent en lui.
Il faut dire qu’Osée est aussi le prophète de l’amour, ce qu’il a amplement démontré dans sa vie personnelle avec Gomer. Mais il représente d’abord et surtout l’amour que l’Éternel porte à son peuple, un amour qui l’a conduit à choisir Israël, à le libérer de l’esclavage en Égypte (Osée 12.1), et à pourvoir à ses besoins (Osée 2.10-11). Amour qui limite le châtiment, qui pardonne l’infidélité invétérée d’Israël et amour qui guérit (Osée 2.1-3, 25 ; 11.8-11). L’Éternel apparaît aussi comme un père qui prodigue ses plus tendres soins à son enfant Israël (Osée 11.1-4), mais en retour, il attend de son peuple un amour authentique et durable (Osée 6.4-6 ; 12.7). En citant une parole d’Osée (Osée 6.6), Jésus a rappelé cette vérité à ses contemporains quand il a dit :
Allez donc apprendre quel est le sens de cette parole : Je désire que vous fassiez preuve d’amour envers les autres plutôt que vous m’offriez des sacrifices. Car je ne suis pas venu appeler des justes, mais des pécheurs (Matthieu 9.13 ; comparez Matthieu 12.7).
En mettant l’accent sur l’amour divin qui appelle l’amour de l’homme envers son Dieu, Osée annonce le message de l’apôtre Jean dans sa première épître (1Jean 4.7-12).
Commentaire biblique radiophonique écrit par le pasteur et docteur en théologie : Vernon McGee (1904-1988) et traduit par le pasteur Jacques Iosti.