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Osée 4.1-5
Si je dois coucher sur le papier une expérience douloureuse, je ne vais pas essayer de la mettre en quatrain ni faire de la belle prose. Le prophète Osée a vécu une épreuve très douloureuse qui a duré pendant plusieurs années, et qu’il nous raconte, parce qu’elle sert de support à la relation entre l’Éternel et le royaume israélite des X tribus du Nord. Seulement lui ne se contente pas de raconter son histoire en termes simples ; non, il travaille son texte. En effet, en y regardant de près, on se rend compte qu’il prend un soin méticuleux à structurer les trois premiers chapitres de son livre sous une forme concentrique. Le récit commence par un geste symbolique annonciateur de jugement : Osée doit épouser Gomer qui lui sera infidèle et trois enfants naissent de cette union (Osée 1.2-9). Puis vient un oracle de salut pour Israël (Osée 2.1-3). Ensuite a lieu le second geste symbolique : Osée répudie sa femme Gomer, ce qui correspond au procès et au rejet d’Israël par l’Éternel (Osée 2.4-15). Puis vient un nouvel oracle de salut (Osée 2.16-25). Finalement, nous avons le troisième geste symbolique : Osée rachète sa femme devenue esclave et elle se repent de sa mauvaise vie. Pareillement, après l’exil et plus spécifiquement à la fin des temps, Israël reviendra à l’Éternel son Dieu.
Les trois premiers chapitres du livre d’Osée se distinguent de tous les autres livres prophétiques des Textes sacrés, et ce n’est pas l’utilisation d’actes symboliques pour communiquer avec Israël qui est unique en son genre, mais le fait que, d’une part, ces actes soient si intimement liés à la vie personnelle du prophète, et d’autre part, la conduite de sa femme lui arrache le cœur.
Comme je l’ai dit, le mariage d’Osée et de Gomer représente la relation d’alliance entre Dieu et Israël, et la conduite adultère de la femme du prophète, est une mise en acte de l’idolâtrie et des pratiques abominables des Israélites du Nord, dont le niveau moral et spirituel est aussi bas que celui des Cananéens.
Les noms des enfants que Gomer met au monde symbolisent les châtiments que l’Éternel va infliger à Israël Nord. Le premier annonce la fin de la souveraineté politique du royaume des X tribus dont Jéroboam II est le roi. Le second déclare que Dieu retire son amour au peuple, et le troisième annule la relation d’alliance qui a été conclue entre l’Éternel et les Israélites au mont Sinaï. Afin d’illustrer cette dernière menace, le prophète Osée répudie sa femme Gomer, une façon de signifier que l’Éternel rejette Israël Nord, qui dans le texte est personnifiée sous les traits d’une épouse infidèle qui se prostitue.
Sous le règne de Jéroboam II, la prospérité du royaume des X tribus est à son zénith, et c’est sans doute une des raisons qui conduisent la nation à se tourner vers Baal, le faux dieu de la fertilité. En effet, ils espèrent ainsi devenir encore plus cossus et bien dodus. Il faut aussi dire que les idoles n’ont aucune exigence d’ordre moral, ce qui arrange bien les affaires des païens mais aussi des Israélites, qui sous des prétextes religieux organisent des partouzes rabelaisiennes. Mais l’Éternel va punir son peuple en lui retirant ses richesses pour qu’il se rende compte que ses idoles sont vaines et surtout, afin qu’il revienne à son Dieu.
Pourtant, par la bouche de son prophète, l’Éternel fait suivre l’annonce de ses jugements par un message d’espérance. En effet, dans la situation d’extrême dénuement où se trouvera le peuple exilé, et qui est comparée à un retour dans le désert, Dieu parlera à son cœur et le transformera pour qu’Israël entre dans une relation nouvelle semblable à de nouvelles fiançailles avec toute la fraîcheur d’un amour retrouvé.
En inversant les noms symboliques des enfants d’Osée qui annoncent les jugements, Dieu révèle qu’au-delà des châtiments, il reprendra Israël pour son peuple et accomplira envers lui la promesse qu’il a faite à leur ancêtre Abraham, selon laquelle ses descendants deviendraient nombreux et prospères.
Osée s’est marié avec Gomer qui lui a été infidèle, mais avec qui il a quand même eu trois enfants. Après avoir fait un procès à sa femme, il l’a répudie. En fait, elle s’en tire plutôt bien parce que dans le livre du Lévitique, on lit :
Quand un homme commet adultère avec une femme mariée, cet homme adultère et la femme adultère seront mis à mort (Lévitique 20.10).
Certes, Gomer a eu la vie sauve, mais ayant été répudiée elle est privée de tout soutien ce qui l’oblige à se vendre comme esclave pour survivre. L’Éternel ordonne alors à son prophète d’aller la racheter et de la ramener chez lui ; c’est le troisième volet de cette histoire. Il est raconté dans le troisième chapitre et il sert à illustrer l’amour de Dieu qui, malgré l’infidélité d’Israël, le reprend pour son peuple, car l’Éternel est un Dieu de grâce. Cependant, et comme son prédécesseur Amos, Osée rappelle que le salut des Israélites des X tribus du Nord est lié à leur soumission au nouveau roi David, c’est-à-dire le Messie Jésus-Christ.
À partir du chapitre quatre et jusqu’à la fin du livre, la vie personnelle du prophète Osée est en retraît et ses démêlés avec sa femme disparaissent du texte pour deux raisons. Premièrement, il semble que Gomer se soit réellement repentie, et deuxièmement, les gestes symboliques précédents n’ont plus besoin d’être répétés. Toujours par l’intermédiaire de son prophète, Dieu continue néanmoins son réquisitoire contre Israël Nord tout en marquant des pauses où il lui annonce sa future restauration comme peuple de Dieu.
Avec le chapitre quatre, commence donc un discours dénué de symbolisme. C’est une composition suivie, d’un seul trait et qui contient l’essentiel, la quintessence, ou comme on disait au 16e siècle, la substantifique moelle de toutes les prophéties qu’Osée a prononcées au cours de son long ministère. Tout bien considéré, si ce prophète a exercé une quarantaine d’années comme on le croit, son livre est plutôt court.
Commentaire biblique radiophonique écrit par le pasteur et docteur en théologie : Vernon McGee (1904-1988) et traduit par le pasteur Jacques Iosti.