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Zacharie 11.13 – 12.2
La plupart des gens aiment bien recevoir des cadeaux. Mais supposez que vous tendiez un chèque à quelqu’un qui vous a rendu service, et qu’il le déchire et en fasse des confettis là devant vous. Que penserez-vous de lui ? À moins d’une explication qui tienne la route, une telle action exprime du mépris.
Je continue de lire dans le chapitre onze du livre de Zacharie.
(Et je leur déclarai : – Si vous le jugez bon, donnez-moi mon salaire, sinon, n’en faites rien. Ils me donnèrent pour salaire trente sicles d’argent.) Et l’Éternel me dit : – Jette-le au potier, ce joli prix auquel j’ai été estimé ! Je pris les trente sicles d’argent et je les jetai dans le Temple de l’Éternel pour le potier (Zacharie 11.13 ; auteur).
Ces interactions et jeux de scène ont lieu dans une vision que Zacharie reçoit de Dieu. Le Berger-Messie envoyé par l’Éternel est bien plus que son représentant, car tout comme l’Ange de l’Éternel, il se confond avec Dieu, parce que l’Ange de l’Éternel et le Berger-Messie sont des manifestations de Jésus-Christ. En rejetant le bon Berger, le peuple insulte l’Éternel qui exprime sa réprobation en ordonnant à son prophète de jeter cet argent dans le Temple.
Dans l’économie israélite, le potier occupe avec le berger, le plus bas de l’échelle sociale pour deux raisons : il travaille l’argile, la poussière de la terre, et il façonne des pots destinés à un usage vil. Aujourd’hui, les potiers vivent du tourisme. Moi je ne pourrais pas faire un tel travail car comme me dit parfois mon frère qui est bricoleur et très adroit, je suis né avec deux mains gauches. Par contre, je me verrais bien berger dans les hautes Pyrénées.
Il semble que l’atelier du potier de la prophétie de Zacharie soit proche du temple, peut-être même dans le parvis extérieur ou dans la vallée juste en dessous. Comme les prêtres utilisent beaucoup de vases de terre dans les cultes à l’Éternel et qu’avec le temps ils perdent leur étanchéité ou finissent casser, il y a de quoi occuper un potier en permanence.
Dans la vision, Zacharie jette l’argent dans la cour du temple pour le potier. Que cette scène ait eu lieu dans le Temple est compréhensible puisque c’est là que les fidèles apportent leurs offrandes. Et puis à cet endroit, ce geste est public et revêt un caractère formel. La prophétie ne dit pas pourquoi ces trente pièces finissent dans la bourse du potier. Par contre, on sait qu’en refusant cet argent et en le donnant à un humble ouvrier, Dieu fait d’une pierre deux coups : il enrichit un pauvre homme et il rend aux Juifs mépris pour mépris.
L’accomplissement de la prophétie sous la forme du jeu de scène de Zacharie nous est donné dans l’évangile selon Matthieu où on lit :
Judas jeta les pièces d’argent dans le Temple, partit, et alla se pendre. Les chefs des prêtres […] tinrent conseil et décidèrent d’acquérir, avec cet argent, le “ Champ-du-Potier ” et d’en faire un cimetière pour les étrangers (Matthieu 27.5, 7).
Cet argent est donné au potier en échange de son champ, qui est probablement l’endroit où il jette les poteries qui n’ont pas réussi. La suite du texte de Matthieu pose un problème. Je la lis :
Ainsi se réalisa la parole du prophète Jérémie : Ils ont pris les trente pièces d’argent, le prix auquel les descendants d’Israël l’ont estimé, et ils les ont données pour acheter le champ du potier, comme le Seigneur me l’avait ordonné (Matthieu 27.9-10).
Le problème est que ce n’est pas Jérémie mais Zacharie qui mentionne les trente pièces d’argent, cependant il ne mentionne pas le champ. Par contre dans le livre de Jérémie, l’Éternel se compare à un potier qui a le droit de faire ce qu’il veut avec l’argile (Jérémie 18.1-4), et Jérémie parle d’une poterie qui se trouve en dessous du Temple où il doit se rendre pour acheter une jarre en terre cuite (Jérémie 19.1-2) qu’il doit casser devant les responsables de la ville. Plus loin dans sa prophétie, Jérémie raconte aussi dans quelles circonstances il achète un champ à son cousin (Jérémie 32.6-12) et comment cette transaction doit servir de signe pour le peuple de Juda.
On peut réunir Jérémie et Zacharie parce que l’évangile selon Matthieu semble faire allusion aux deux prophètes. S’il est vrai que Zacharie est le plus précis en mentionnant « les trente pièces d’argent », c’est Jérémie qui met en place l’arrière plan et la structure de la prophétie. Matthieu a donc choisi de mentionner Jérémie pour les deux prophètes.
Si on regarde méticuleusement la prophétie de Zacharie et son accomplissement que nous rapporte Matthieu, les deux passages mentionnent « trente pièces » pour prix du Berger d’Israël mort ou vif, mais Zacharie jette l’argent pour le potier tandis que Judas le jette dans le Temple pour les chefs des prêtres, ce qui n’est pas pareil. Zacharie ne dit pas non plus que cet argent va acheter un champ pour en faire un cimetière.
En d’autres mots, la citation de l’évangile n’est pas l’accomplissement strict de la prophétie de Zacharie. De plus, Matthieu dit que c’est « la parole » du prophète Jérémie qui s’est réalisée et non pas ce qu’il a écrit. Rien n’empêche donc que Jérémie ait dit mais sans l’avoir écrit, ce que Matthieu rapporte. Ce serait alors une tradition orale qui a perduré jusqu’à ce que Zacharie la couche sur le parchemin.
Le mystère qui entoure la prophétie des trente pièces d’argent s’épaissit davantage quand on sait que si toutes les versions grecques de l’évangile selon Matthieu citent bien Jérémie, les versions syriaques et perses ne le mentionnent pas. On peut donc aussi se demander si le nom de Jérémie n’est pas dû à un geste maladroit d’un scribe trop zélé manquant de rigueur. Dans la tête de ce scribe, le champ dont parle Jérémie serait devenu celui du potier, et il aurait habillé la prophétie de Zacharie des détails historiques que nous rapporte Matthieu. Le scribe confus attribue le tout à Jérémie, et croyant bien faire insère son nom dans la première copie du manuscrit grec originel. Et comme ce que nous possédons est une copie de copies de copies de cette première copie, nous avons aussi le nom de Jérémie. Mais l’original qui ne l’a pas a aussi servi à rédiger d’autres familles de manuscrits, dont les versions syriaques et perses où aucun nom de prophète n’est cité ; cette possibilité est tout à fait plausible.
Maintenant, on peut élargir davantage le questionnement et se demander : « Mais pourquoi donc Dieu n’a-t-il pas fait en sorte que cette confusion ne se glisse pas dans le texte ? » Eh bien parce que l’erreur est humaine et bien que les Écritures originelles sont inspirées par le Saint-Esprit, leur transmission ne l’est pas. Elles ont été copiées et recopiées maintes et maintes fois et généralement avec le plus grand soin, mais par des hommes qui sont faillibles ou trop zélés.
Commentaire biblique radiophonique écrit par le pasteur et docteur en théologie : Vernon McGee (1904-1988) et traduit par le pasteur Jacques Iosti.